Vers une réaffectation industrielle ?

LA CHRONIQUE de Jean-Louis Frechin

Au-delà des pénuries et de la révélation de nos faiblesses, la crise du coronavirus dévoile les atouts indirects de notre culture industrielle.

Les lieux ou l’on fait les choses se rappellent à notre souvenir. A la base, agile,

les fab labs ont répondu à la nécessité du moment, à l’exemple de Volume 3D à Paris, où le designer Aruna Ratnayake propose un masque antiprojection très rapide à produire sans imprimante 3D.

Les designers de Club Sandwich ont lancé un projet ambitieux de respirateur open source MUR.

Ces projets transdisciplinaires sont centrés sur l’intelligence pratique de conception, la collaboration et la pédagogie.

Chez les industriels, dont nous avions peut-etre collectivement oublié l’impor- tance, nous trouvons la puissance productive et l’impact. Ainsi sous la houlette d’Air Liquide, Schneider Electricet PSA se sont coalisés pour sortir en 50 jours la production de trois ans de respirateur. Michellin lance des fabrications de masque FFP2 avec l’aide du CEA. Dans le luxe, LVMH, Sisley, Pernod et les maisons de cognac se sont engagés dans la production de gel hydro- alcoolique. Les célebres Tricots Saint James fabriquent des masques textiles homologués par la Direction générale de larmement. Entre ces deux modèles, le détournement astucieux à Milan du masque de plonée EASY Breath de Decathlon démontre que l’innovation ouverte est un succès quand les forces de proposition sont extérieures au coeur de l’entreprise. La force d’un pays est liée à sa capacité à produire. Les usines ne sont pas des commodités ou des externalités dont il faut se débarrasser. Il sera à terme important d’identifier ce qu’il faut continuer à produire sur notre sol, mais aussi apprendre à gérer la capacité d’adaptation et de réaffectation des forces de production. Il vaut mieux avoir des machines que des masques périmés. Du coté des consommateurs, il s’agira d’assumer les choix entre le pouvoir de vie, le pouvoir de produire et le pouvoir d’achat pour garantir nos besoins primaires d’une part notre insouciance légère d’autre part. La mondialisation est moins un problème en soi que les facilités qu’elles proposent et qui nous mènent à la fin de la production. Nous devons réfléchir collective- ment aux conséquences, aux coûts et à ce que nous nous souhaitons collectivement pour gérer cette réaffectation productive essentielle.